Je vous propose de trouver ci-dessous la fin du chapitre 3 de la première partie du tome 1 d’Ozéria, « Le destin des mages ». Karl et Agnès se trouvent toujours dans les environs de Vélom, la capitale d’Éphade, île qu’ils doivent explorer pour trouver le Sanctuaire d’Aninis où Karl est censé acquérir la Puissance Lunaire. Les deux aventuriers ont assisté, du haut d’une falaise, à un sacrifice religieux qui a horrifié la jeune femme. Désireuse de changer d’air, elle entraîne donc son ami un peu plus haut, dans les Stones…bonne lecture à tous!
Les Stones formaient une imposante chaîne de montagnes qui traversaient la partie orientale d’Éphade. Sauvages, escarpés, les sentiers qui permettaient de les parcourir s’avéraient très dangereux et l’on devait monter un moment pour atteindre les premiers plateaux.
Après une longue marche à l’ombre des roches ancestrales, Agnès et Karl commençaient à s’approcher de l’un de ces hauts plateaux quand ils entendirent soudain les cris affolés d’une jeune femme briser le silence dans lequel ils évoluaient jusque-là. Alors que Karl essayait de repérer d’où provenaient ces hurlements déchirants, une inconnue d’une grande beauté surgit de derrière les rochers, le visage déformé par la peur.
« Aide-moi, supplia la malheureuse en s’adressant au souverain. Je ne veux pas épouser cet homme répugnant ! Seigneur, sauve ma vertu ! Je te le demande à genoux. »
La jeune femme s’agenouillait effectivement devant le roi de Kagas quand un paysan muni d’une fourche apparut à son tour. Agnès et Karl étaient visiblement arrivés au beau milieu d’une scène de ménage. Très embarrassé, Karl se dit que la meilleure solution restait encore d’essayer de parlementer. Il se racla donc la gorge avant de se diriger vers le paysan furibond, laissant la jeune femme qui avait imploré son aide aux bons soins d’Agnès. L’énergumène qu’elle devait épouser était de taille moyenne, corpulent et vraisemblablement peu commode. Au bout d’un court instant de réflexion, Karl se lança en faisant face au paysan :
« Écoute, mon brave, ne crois-tu pas nécessaire de traiter cette demoiselle de façon plus élégante ? »
Devant la circonspection de son interlocuteur, Karl sortit un peu d’argent de sa bourse et le lui tendit. Le fermier le regarda avec convoitise et répliqua d’une voix cassée :
« Cette bourgeoise ne vaut guère plus de douze pièces d’or. Si tu acceptes de me les donner, je lui rends sa liberté et tu t’en serviras comme tu voudras, puisqu’elle t’intéresse tant. »
L’escroc des champs regarda Karl avec malice, attendant sa décision. Si le voyage, la randonnée en montagne et le combat de la matinée ne l’avaient pas tant fatigué, Karl aurait pris grand plaisir à rappeler à ce vaurien un certain nombre de bonnes manières. Or, payer le fripon restait le moyen le plus rapide de s’en débarrasser.
Après avoir jeté un regard à la malheureuse fiancée blottie dans les bras d’Agnès, Karl grimaça et se sépara douloureusement de douze pièces d’or de sa bourse. Le fourbe qui l’avait ainsi démuni recompta son argent et s’en alla en grommelant. À peine Karl s’était-il retourné que la jeune vierge qu’il avait sortie d’affaire se jeta à son cou en lui disant :
« Merci à toi, étranger ! Que les dieux te bénissent pour avoir sauvé Electre ! Adieu, mon ami. »
Electre embrassa son héros sur la joue et redescendit vers Vélom en courant. Karl demeura abasourdi, voire dépité, de constater que la jeune femme souhaitait s’en aller aussi rapidement. Il ne se doutait pas que son intervention auprès de cette vierge lui vaudrait la reconnaissance très appréciable de la protectrice divine de la chasteté, à savoir Aninis en personne. La déesse avait assisté à toute la scène avec Electre et se promit de se montrer favorable à la réussite du jeune souverain qui s’était donné tant de mal pour préserver le souhait d’Electre de rester chaste.
Tandis que les derniers éclats de rire de la jolie Electre s’éteignaient dans la montagne, le visage d’Agnès s’empourpra et la magicienne décida de sortir son ami de la torpeur dans laquelle la jeune fille l’avait plongé. Elle lui secoua donc légèrement le bras.
« Elle est partie, Karl. Ne pense plus à cette fille, maintenant. Tu as bien agi et je t’en félicite, mais nous ne devons pas oublier notre mission. Je propose qu’on marche encore un peu avant de rejoindre Vélom. Qu’en dis-tu ? »
Karl ne répondit pas. Il se contenta de hocher la tête avec abnégation tandis qu’Agnès le traînait vers les sommets des Stones. Elle espérait que la hauteur lui ferait reprendre ses esprits.
Source image: Plume et Kalam – Abdelkarim Belkassen – Canalblog